"Les vrais choix à faire sont ceux de l’humanité"

Hervé Kempf a quitté le quotidien Le Monde en août 2013. Il se consacre désormais au site Reporterre qu’il a contribué à créer. Il en est le rédacteur en chef. En janvier dernier, ce journaliste français engagé publie Tout est prêt pour que tout empire. 12 leçons pour éviter la catastrophe (Seuil). Dans cet essai, il écrit : "La poursuite à court terme - une dizaine d’années - de la dégradation écologique est certaine. La fragilité de l’économie mondiale est attestée et la probabilité qu’elle connaisse un nouveau chaos découle de la logique. La dérive autoritaire des oligarchies ne fait plus débat. Le brasier du terrorisme reste incandescent". Face à cette situation de crise, nous lui avons demandé comment nous pourrions nous en sortir.


La Libre Belgique - Selon vous, il ne faut pas attendre de sursaut de la classe dirigeante ?

Hervé Kempf - Non, car il semble qu’elle continue à privilégier le néolibéralisme comme si de rien n’était.

Dans votre livre, vous écrivez même qu’on a droit à "la classe dirigeante la plus stupide de l’Histoire". D’où tirez-vous ce constat ?

L’actualité nous offre tous les jours des exemples de décisions dangereuses prises par nombre de dirigeants politiques. M. Trump est président des Etats-Unis, il conteste le changement climatique, et nomme à la tête de l’Agence américaine de protection de l’environnement un climato-sceptique. Voilà tout de même le signe d’un aveuglement extraordinaire. Dans un domaine moins frappant, mais tout aussi significatif, on assiste à la mise en œuvre du Ceta, le traité de libre échange entre l’Union Européenne et le Canada, alors que de nombreuses personnes sont manifestement contre.

Que pensez-vous de la réaction du Ministre-Président wallon, Paul Magnette, qui a tout de même été à contre-courant de la marche européenne ?

Paul Magnette a beaucoup marqué les esprits. Il a déstabilisé les institutions et redonné de la force aux opposants. Ce n’est pas seulement qu’il ait fait un très beau discours, c’est aussi qu’il s’est appuyé sur le travail de milliers de personnes, une révolte jusqu’alors invisible et souterraine qui se développait depuis des années.

Donc, la lutte est en marche ?

Certainement. Les choses peuvent changer. Imaginez que nous soyons dans un avion qui continue de voler alors qu’on vient à manquer de pétrole et qu’on se dirige droit vers une tempête. Il y a quand même des gens qui sont prêts à frapper à la porte du cockpit, où sont terrés les oligarques. Ils avertissent qu’il va falloir urgemment atterrir. C’est conflictuel, c’est difficile, mais en même temps, énormément de choses se passent.

Par exemple ?

Prenons l’agriculture biologique. Celle-ci montre vraiment sa validité, sa capacité productive, avec la possibilité de créer des emplois. Dans l’état grave dans lequel se trouve l’agriculture productiviste, on a donc une alternative crédible. Si on raisonne en termes de politique économique et d’économie d’énergie, on sait également que si on investit dans une rénovation thermique importante des logements, non seulement on va être gagnant, parce qu’on va créer de l’emploi local, mais on va aussi réduire les factures énergétiques des gens, et donc améliorer leur situation sociale. Enfin, on va réduire nos importations de pétrole, ce qui aura un impact positif sur la sécurité extérieure. Des exemples comme cela, il y en a un certain nombre. On a maintenant les solutions, c’est la bonne nouvelle.

Avec un mot d’ordre, la sobriété ?

Oui. Il faut réduire notre consommation matérielle et notre consommation énergétique, tout en restaurant la justice sociale. C’est cela l’enjeu essentiel dans nos pays.

Vous écrivez aussi qu’il ne faut pas perdre de vue la quête de sens. Mais qu’est-ce qui peut nous unir ?

Je dirais la perception du défi commun. Je trouve que la gravité de la crise écologique a ce côté extraordinaire qu’elle dit à quel point ce que nous vivons en ce moment est important, et que les vrais choix à faire sont ceux de l’humanité, non pas de savoir quelle voiture ou quel smartphone on va prochainement acheter.









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