Au bout d’un moment, cela fait système : la morgue des biens nés, assurés de leurs privilèges et de leur supériorité intellectuelle, se transforme en bêtise, autre nom de l’ignorance.
M. Macron, on se le rappelle, méprisait un chômeur qui l’interpellait, en lui disant que « la meilleure façon de se payer un costard est de travailler ». Récemment, celui qui se laisse appeler Jupiter, distinguait « ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien », ou refusait de se faire interviewer parce que, selon ses chargés de communication, sa « pensée complexe se prête mal au jeu des questions-réponses avec des journalistes ».
Que la suffisance de M. Macron soit un trait majeur de sa personnalité, soit. Mais quand elle se traduit en politique, elle devient malsaine. Chez M. Macron, l’ignorance à l’égard des pays du sud se mêle au mépris. En mars dernier, il parlait de la Guyane comme d’une île, et, en juin, riait des kwassa-kwassa qui « pêchent peu, mais amènent du Comorien ».
Le 10 juillet, à Hambourg, lors du G 20, le président de la République a évoqué les problèmes de l’Afrique : « Quand des pays ont encore sept à huit enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’europs, vous ne stabiliserez rien ».
[VIDÉO] Au G20, interrogé sur l'#Afrique, Emmanuel #Macron se lâche sur les « 7 à 8 enfants » des Africaines. Un problème « civilisationnel ». pic.twitter.com/pJgdaeuuoz
— Politis (@Politis_fr) 10 juillet 2017
Cette assertion à l’emporte pièce est trompeuse.
D’une part, le taux de fertilité par femme en Afrique est de 4,5 enfants par femme [1].
D’autre part, si la transition démographique se produit beaucoup plus lentement en Afrique que sur les autres continents, et que quelques pays, en Afrique de l’ouest et en Afrique centrale, ont une fertilité moyenne par femme pouvant atteindre sept ou huit enfants, les démographes s’accordent à penser que cette situation découle largement du manque d’éducation chez les filles. Le poids du passé joue aussi, comme pour les anciennes colonies françaises où, rappelle le démographe burkinabe Jean-François Kobiané, « la France avait imposé au sein de ses colonies la loi de 1920, qui interdit toute forme de contraception ».
Or, où en est l’éducation dans bon nombre de pays africains ? Largement affaiblie depuis plusieurs décennies. Pourquoi ? Du fait de l’imposition des politiques imposées en Afrique à partir des années 1980 par la Banque mondiale, le FMI, et les grands pays occidentaux : ouverture des marchés et baisse des dépenses de l’Etat. Ce qui s’est traduit par la disparition de la gratuité de l’éducation et de la santé. C’est le résultat de l’application des politiques néo-libérales dont M. Macron est partisan.
À l’inverse de ce qu’il prétend, il serait indispensable d’investir des milliards d’euros pour aider ces pays à renforcer leur système d’éducation, de santé et de planification familiale.
Mais ce n’est pas le chemin pris. Fort de sa philosophie du Café du Commerce, M. Macron a encore abaissé le budget français de l’aide au développement. Et méprise à peu près l’Afrique alors que, du fait de son évolution démographique prévisible - elle pourrait peser 25 % de la population mondiale en 2050 -, elle devrait être au coeur de la politique étrangère de la France.
[1] World Population Prospects The 2017 Revision, United Nations, juin 2017, p. 4
Source : Reporterre