Pour la première fois depuis 1974, il n’y aura pas de candidat se présentant sous la seule couleur de l’écologie lors de l’élection présidentielle. Cette situation inédite témoigne de la mutation de l’écologie politique dans ce pays.
Dimanche 26 février, en effet, 7.500 militants ou sympathisants du parti Europe Ecologie Les Verts ont approuvé « l’accord programmatique proposé par Yannick Jadot et Benoît Hamon » (texte de l’accord ici). Ce faisant, ils ont accepté le retrait de Yannick Jadot de la campagne.
Au terme de la séquence ouverte par la victoire surprise de Benoît Hamon, le 22 janvier, le parti écologiste a donc fait ce qu’il avait juré de ne plus jamais faire : s’allier avec le Parti socialiste. Lors de leur dernier congrès, en juin 2016, ils avaient décidé de rompre l’alliance ombilicale avec le PS : « Le cycle de l’accord EELV-PS est refermé », proclamait la motion majoritaire. Plus récemment, Yannick Jadot affirmait à Reporterre : « Une alliance avec le PS est inenvisageable ».
Les engagements passés auront donc vécu le temps d’une saison, ce nouveau retournement déconsidérant un peu plus le parti écologiste, devenu de facto le supplétif du Parti socialiste.
On entend les arguments des avocats du ralliement à M. Hamon : « Nous avons obtenu un très bon accord, et puis Hamon, ce n’est pas le Parti socialiste ».
Certes, le texte de la Plateforme présidentielle est très positif. Comme l’était le texte de l’accord entre le PS et EELV, en 2011, que M. Hollande a piétiné sans façon, fort de l’assentiment des ministres Duflot et Canfin.
Et l’on ne voit pas clairement en quoi Benoît Hamon se distingue du PS : au lieu de prendre la main nettement sur son parti, fort de sa victoire surprise, il négocie avec l’appareil, tentant l’équilibre impossible entre la droite néo-libérale du parti et sa gauche écologiste. Et il ne renie pas la politique du quinquennat passé.
Le parti écologiste a donc rejoint le nouveau leader du PS, en échange d’un texte, mais aussi d’un accord électoral - circonscriptions promises aux législatives - dont ses militants n’ont pas été informés. Cet accord est une forme de dissolution dont il aura du mal à se relever. Il continue l’asphyxie lente qui s’est amorcée depuis quelques années. Depuis, en fait, qu’EELV accepte sans broncher vraiment d’avaler les nombreuses couleuvres que lui a imposées le PS.
Mais cette asphyxie, qui prélude à un effacement durable du parti écologiste de la scène, est paradoxale. Car l’écologie n’a jamais été aussi présente dans une campagne présidentielle. Jean-Luc Mélenchon avait lancé la donne en plaçant sa démarche sous le signe de « l’urgence écologique », confirmée par un incontestable travail de fond de son mouvement, La France insoumise. Benoît Hamon a bousculé le PS en se posant lui aussi comme rompant avec le productivisme. Et il n’est pas jusqu’à Emmanuel Macron, conscient de son déficit sur le sujet, qui travaille rapidement pour présenter un discours crédible sur l’environnement, fort du ralliement de personnalités comme Corinne Lepage, Daniel Cohn-Bendit, ou Matthieu Orphelin, l’ex-porte-parole de Nicolas Hulot.
On assiste donc à l’éclatement de l’écologie politique, qui est reprise en compte sous ses deux approches possibles : anticapitaliste et mettant en avant la justice sociale - c’est la version de La France insoumise -, néo-libérale et tablant sur le développement durable - c’est la version Macron. Quant à Benoît Hamon, il exprime un entre-deux manifestant le déchirement idéologique du Parti socialiste, incapable de prendre nettement position ou promis à la trahison de ses promesses.
Cette mise en mouvement est finalement positive. Elle signifie paradoxalement que l’écologie politique a mûri, puisqu’elle est appropriée par des mouvements qui comptent vraiment électoralement, ce que n’a presque jamais su faire le parti des Verts, écrasé par le système électoral français.
Publié sur Reporterre lundi 26 février 2017.