Ecologie politique, année zéro

Quelques nouvelles montrent que tout n’est pas perdu face au rouleau compresseur néolibéral : telle la belle victoire de François Ruffin — un de ceux qui a le mieux compris que l’avenir était à l’alliance « Vert-rouge ». Mais l’arbre feuillu de l’espoir ne peut cacher le bloc enrésiné qui, sous les atours souriants d’un champion de la communication, M. Macron, contrôle tous les pouvoirs : la présidence de la République, l’Assemblée nationale, la plupart des médias dominants, et un pouvoir économique et financier en osmose. On a rarement vu en France, à l’époque contemporaine, une telle conjugaison des pouvoirs, qui fait de plus en plus ressembler la « patrie des droits de l’homme » à la Russie de Poutine.

Dans ce paysage politique où l’oligarchie va vouloir appliquer en France la stratégie du choc déjà expérimentée dans plusieurs pays européens, la position écologique semble s’être évaporée.

Quelques députés de cette tradition surnagent, sous l’étiquette République en marche (REM) : ils expriment, ainsi que la présence de Nicolas Hulot au ministère de l’Écologie — pardon, de la Transition écologique et solidaire —, la position « pragmatique », ce maître-mot de M. Macron, et plus généralement du pouvoir : en langage clair, cela signifie la soumission à l’ordre existant. Exit pour eux tout espoir de mettre en œuvre l’ambition transformatrice de l’alerte écologiste. On va s’adapter au système — son nom est capitalisme, mais le dire fait taxer d’« extrême-gauche » — en l’acceptant comme un sort inévitable voire souhaitable. MM. Hulot, Orphelin, de Rugy, Alauzet, Mme Pompili feront de leur mieux, ils gagneront parfois des batailles non négligeables, mais ils ne pèseront pas sur la ligne centrale du système oligarchique, pour autant, d’ailleurs, qu’ils le veuillent.

Quant au parti écologiste, fondé en France en 1984, il voit son idéal de l’affirmation d’une politique écologiste autonome se dissoudre : de recherche d’alliance en compromis, il a fini par se coller au parti dit socialiste, qui s’est plié à l’ordre dominant, reniant ses racines. Ce déchirement entre la réalité de l’action et l’idéal proclamé est devenu insupportable : les uns sont partis, on l’a vu, du côté de l’oligarchie, les autres ont sombré avec le PS.

Reste la France insoumise, dont la stratégie est claire : bâtir un môle d’opposition résolue au capitalisme et à l’excès d’inégalité, en dépassant le PS et le PC, pour impulser un élan populaire unissant souci de justice et sens de l’urgence écologiste. Mais tout occupé à consolider ses forces, sans doute lancé d’abord dans la contestation légitime de la réforme du code de travail, manquant souvent de la « culture écologiste », il pourrait négliger les enjeux d’environnement.

C’est dire, d’une certaine manière, que l’écologie politique repart de zéro. Elle a, depuis trente ans, infusé nombre de ses idées dans la culture commune — mais n’est-ce pas d’abord le fait de la dégradation écologique, si rapide, qui impose son évidence ? Elle n’a cependant pas su peser réellement sur les rapports de force politique. Faute, sans doute, de n’avoir pas trouvé une expression commune de sa critique du capitalisme, de la croissance, de l’empire de la technologie, face à la puissance du néolibéralisme mondialisé.

C’est maintenant le temps du questionnement. Y a-t-il, au fond, une politique écologiste, une vision du monde écologiste ? Avons-nous un monde commun ? Pourquoi tant de peine à unir l’exigence sociale et la conscience écologiste ? Faut-il témoigner ou agir ? Agir dans l’institution ou sur les terrains concrets où se déploie la destruction du monde ? Peut-on à la fois parler d’effondrement, d’anthropocène, de décroissance, et continuer à tutoyer le système ? En situation de crise, il faut revenir aux questions de base. Réfléchir. L’écologie politique repart de zéro.


Source : Reporterre









Autres articles :

  • Oui, il faut cibler les riches pour sauver le climat

  • Le nucléaire n’est pas bon pour le climat - NOTES

  • Quelles priorités pour la gauche ?

  • Jérôme Equer, un journaliste hors normes

  • Quel avenir pour le mouvement des Gilets jaunes ?

  • Gilets jaunes et marche pour le climat : une vague de révolte contre la destruction du monde

  • Le président Macron, figure du néo-capitalisme : tout numérique… et autoritaire

  • Vous ne nous écraserez pas

  • M. Hulot n’est pas l’écologie

  • Les mensonges sanglants de M. Macron

  • Association de malfaiteurs

  • La Zad et la guerre civile mondiale

  • Quand "Tout est prêt pour que tout empire" se joue au théâtre

  • Écologie : maintenant il faut se battre

  • Hubert Reeves : « Plus rien ne nous menace. Sauf nous ! »

  • Jean-Luc Mélenchon : « L’écologie doit être un stimulant d’enthousiasme »

  • Face à l’Etat brutal, les hiboux de Bure manifestent leur sagesse

  • La stupidité autoritaire

  • Déchets nucléaires : il faut que l’État cesse de mentir

  • VIDÉO - À Notre-Dame-des-Landes, la fête de la victoire

  • Découvrir Murray Bookchin, l’écologiste anarchiste

  • Greenpeace : « On veut diviser par deux la consommation de viande et de produits laitiers »

  • Rajagopal : « Pourquoi ne comprenez-vous pas que la justice est plus importante que le profit et la croissance ? »

  • Notre-Dame-des-Landes : et maintenant, gagner la bataille de la paix

  • Bruno Latour : « Défendre la nature : on bâille. Défendre les territoires : on se bouge »

  • L’indépendance, c’est simple : dire non aux puissants, non au mensonge, et s’en remettre au lecteur

  • La centrale de Fessenheim fermera fin 2018

  • Celles qui ont révélé les « Monsanto papers » racontent comment Monsanto triche

  • Débat radio : comment agir face à l’urgence climatique ?

  • Benoît Hamon : « La gauche doit se saisir de la révolution numérique pour en faire un progrès social et humain »

  • Hydrocarbures : le gouvernement a plié devant les intérêts miniers

  • Dix ans après, plus que jamais d’actualité

  • La France insoumise veut s’enraciner dans l’écologie et dans les quartiers populaires

  • 1 % contre les 99 % ? Pas si simple !

  • La suffisante bêtise de M. Macron

  • Ecologie politique, année zéro

  • Le sortilège oligarchique

  • Mr. Trump’s decision on climate threatens world peace

  • La décision de M. Trump de sortir de l’accord de Paris menace la paix du monde

  • Conserver les semences : dans un coffre-fort ou dans la nature ?

  • Bonne chance, Nicolas Hulot

  • Macron, le président du vieux monde

  • « Un essai prenant, incisif et ancré dans l’actualité »

  • Miguel Benasayag : « Le transhumanisme prépare un monde d’apartheid »

  • David Cormand : « La France insoumise a le pouvoir d’empêcher que Macron soit majoritaire à l’Assemblée »

  • La faillite du parti écologiste

  • Danielle Simonnet : « Avec Jean-Luc Mélenchon, nous voulons changer le système »

  • Pierre Rabhi : « Il faut que l’humanité prenne conscience de son inconscience »

  • Pour rouvrir l’avenir, il faut que le PS disparaisse

  • Mélenchon et Hamon : l’enjeu de leur duel

  • Quand nous serons les arbres, les roches, et les oiseaux

  • Nous sommes entrés dans l’anthropocène, affirment des minéralogistes

  • L’asphyxie paradoxale du parti écologiste

  • Entretien avec Barbara Romagnan : « Nous avons à recomposer la gauche »

  • Trois propositions pour changer la donne

  • Ouest-France : "Un essai combatif"

  • Hamon, Jadot, Mélenchon, unissez-vous !

  • La tactique perverse de Manuel Valls contre Benoît Hamon

  • La double surprise Hamon

  • La classe dirigeante la plus stupide de l’histoire

  • La langue de la glaise et des étoiles

  • L’étrange façon de lire du prévisible Laurent Joffrin