J’ai été interrogé par Marion Dugrenier pour Ouest France. On a parlé du Covid, entre autres :
« Que crève le capitalisme », c’est le titre de votre nouvel ouvrage. Pourquoi ce choix de termes incisifs ?
Il faut utiliser des mots à la mesure de la catastrophe écologique qui est en train de se produire. Cette catastrophe a une dimension historique ! Je veux pointer la responsabilité du système capitaliste et l’interpeller de manière vigoureuse.
La pandémie de coronavirus illustre la plupart de vos arguments. Aviez-vous anticipé la catastrophe ?
De très longue date, des scientifiques nous alertent sur la possibilité de pandémies très graves. Le Covid a une cause dans le système économique actuel : les écosystèmes sont si rapidement détruits que les organismes enfouis, les virus de la jungle, viennent au contact de l’espèce humaine. Ensuite, la diffusion rapide de cette épidémie est le fait d’un trafic aérien frénétique et des déplacements incessants de personnes et de marchandises.
Quelle influence a eu le système capitaliste sur la gestion de la crise sanitaire ?
Le néolibéralisme s’attelle depuis des années à détruire les services publics, notamment celui de la santé. En soi, cette épidémie n’est pas catastrophique : on arrive à soigner les malades, le taux de létalité est faible. Mais l’hôpital et les urgences, affaiblis, n’étaient pas prêts à faire face à l’afflux de patients en réanimation. C’est pour cette raison qu’il a fallu confiner. En saccageant le service public de la santé, le capitalisme a transformé un épisode grave mais gérable en désastre.
Des chercheurs estiment que le confinement mondial de 2020 a provoqué une baisse de plus de 5 % des émissions de CO2 par rapport à l’année précédente. « La plus forte baisse enregistrée dans le monde depuis 50 ans ». Un signe d’espoir selon vous ?
Oui, cela signifie qu’il est tout à fait possible de réduire les émissions de gaz à effet de serre drastiquement et rapidement. C’est l’enjeu prioritaire de notre époque. On peut le faire, en transformant l’activité économique, les voyages en avion, etc. Le problème est qu’il faudrait le faire par un choix collectif, réfléchi, qui crée des emplois, et non pas de cette façon imposée par l’urgence, avec des conséquences graves en termes de chômage.
Vous prônez une politique de sobriété. En quoi consiste-t-elle et qui concerne-t-elle en priorité ?
La réduction des inégalités et la redistribution des richesses sont le verrou de la situation actuelle. Selon une étude du Laboratoire sur les inégalités mondiales, parue en 2015, les 10 % les plus riches sont responsables de 45 % des émissions totales de gaz à effet de serre. Si on réduit fortement les inégalités, on réduira une partie importante des émissions.
Mais cela ne semble pas être la voie choisie aujourd’hui pour faire face à la crise ?
Le gouvernement français n’accorde qu’une attention de façade aux enjeux écologiques. Il crée des mécanismes de soutien aux entreprises sans conditionnalité écologique et sociale. Alors que des secteurs absolument essentiels pour l’avenir, l’environnement et l’emploi, comme l’agriculture, la rénovation énergétique, les mobilités alternatives ou le service public de la santé ne reçoivent, eux, aucun véritable soutien. Le gouvernement est au service des capitalistes. Il ne défend pas fondamentalement l’intérêt général, mais le maintien d’un système inégalitaire et d’une logique de croissance et de productivisme.
En parallèle, dans l’actualité, on voit se systématiser une rhétorique qui vise à décrédibiliser le mouvement écologiste...
C’est un signe de plus que le débat politique se polarise. Il se réorganise autour d’une opposition entre ceux qui soutiennent le capitalisme et ceux qui veulent une voie écologique nouvelle. Lorsqu’Emmanuel Macron qualifie les écologistes de partisans du « modèle Amish » ou qu’Éric Dupond-Moretti évoque les « ayatollahs de l’écologie », ils recourent à l’injure car ils n’ont pas d’argument. Cela veut aussi dire que les écologistes prennent de plus en plus de poids et sont de plus en plus pertinents.